La guerre continue !
Henri Corneillie & Suzanne Levilain
Ces noms ne vous disent probablement rien ? C’est tout à fait possible car ces personnes vivaient une vie très modeste. Il est mon arrière-grand-père (°1893-1972), elle est ma 'mémé Bobonne', mon arrière-grand-mère (°1900-1986). Et ce qui les rendrait spéciaux est le suivant :
Il fut soldat dans le 2e régiment d'infanterie des chasseurs à pied (également appelé "Diables Verts") dans l'armée belge pendant la Première Guerre mondiale (numéro d'immatriculation 54262, bataille de la Gète, bataille de Verbrande Brug, bataille d'Eppegem, Buggenhout, bataille d'Ertvelde, bataille de l'Yser, Oud-Stuivekenskerke, Ramskappelle)
Il était l'un des soldats belges les plus décorés de la Première Guerre mondiale, particulièrement courageux et loué pour son sang froid. Il y avait peu de soldats avec autant de décorations et d'insignes, Chevalier et officier de l'ordre de Léopold, médailles de combat au Front... Après tout, à cette époque, les médailles étaient d'abord décernées aux officiers...

Son unité a été tellement amenuisée par les pertes qu'elle a été réorganisée au 5e chasseurs à pied. Les Diables Verts avaient déjà perdu plus de la moitié de leurs hommes ; 54 à 17 officiers et 4 500 à 2 050 hommes. Ils furent déployés à Oud-Stuivekenskerke à Dixmude avec le reste des fusiliers de la marine française : des « pompons » en raison de la boule rouge caractéristique sur leur chapeau. De cette division, seuls 2 hommes sur les 2 750 originaux survivraient à la Grande Guerre. Il a fait preuve à plusieurs reprises d'un courage exceptionnel « face à l'ennemi », il a été grièvement blessé au combat à Boezinge-Lizerne ; à seulement quelques mètres de l'emplacement de la cave actuelle.
Lors d'un combat « homme contre homme », un soldat allemand s'est enfoncé sa baïonnette dans la poitrine. C'est son journal de guerre qui a empêché la baïonnette d'atteindre son cœur. Il gisait grièvement blessé sur le champ de bataille lorsqu'un obus a explosé à côté de lui, ce qui lui a arraché le coude droit et lui a arraché deux côtes. Il a également reçu plusieurs éclats d’obus dans son corps.
Lorsqu'il a été retrouvé, ils l'ont emmené à l'hôpital de campagne local, où ils l'ont un peu rafistolé et l'ont envoyé en transport pour des soins supplémentaires derrière les lignes. Finalement il arrive à Rouen, hôpital Bon Secours plus mort que vif.
C'est une toute jeune infirmière de tout juste 16 ans, Suzanne Levillain, qui a signalé aux médecins que cet homme n'était pas encore mort puisqu'il était mis auprès des mourants. La réponse laconique fut qu'ils avaient des affaires plus urgentes... d'abord les soldats qu'ils pouvaient retourner au front. Et si elle était si inquiète, elle n'avait qu'à s'occuper de lui elle-même.

C'est exactement ce qu'elle a fait, et avec beaucoup de détermination, en le soignant pendant 4 ans. Ils se marièrent et elle le suivit en Flandre. Elle est devenue mon arrière-grand-mère, ma « Mémé Bobonne ». Florence Nightingale avant même que le terme n'existe, ou comme dans la série télévisée dramatique "In Flanders Fields", mais sans la fiction. Probablement l’une des nombreuses histoires de la guerre, mais sûrement une très belle.
Il était invalide de la Grande Guerre mais ensemble ils repartirent travailler dans l'industrie textile dans le Nord de la France. Ils sont enterrés ensemble dans le cimetière de Dadizele.
Sans cette guerre, ils ne se seraient jamais rencontrés et... quant à moi, je ne serais pas là non plus ! Mon fils aîné porte son nom. Et mes fils appellent aussi ma mère « Mémé Bobonne ». Que 100 ans plus tard son arrière-petit-fils, sans connaître les détails de cette histoire, ait commencé un vignoble à l'endroit même où il s'est battu et a été blessé, ne peut pas être une coïncidence. Lui qui aimait tant boire une gorgée de bouteille. Je suis sûr qu'il est là-haut et veille sur nous.
Aujourd'hui, nous gardons le contact avec les descendants de la famille en Normandie, et sommes respectueux d'une terre devenue « Terre Sainte » en élaborant des vins d'exception, se souvenant toujours du passé.